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Qu'est-ce qui est encore original ?

Comme je le disais dans un précédent post, nous entrons dans une nouvelle phase du développement des médias sociaux. Après la consécration de la conversation, voici venu le règne de l’image. Le succès de certaines plate-forme, comme TumblR, Instagram ou Pinterest, renforce la prééminence des photos, représentations et autres infographies.

Une orgie d’originalité

Ce qui est assez amusant, c’est de voir au fil du temps le type de contenus qui se diffuse concrètement sur la Toile. De la même façon qu’il y avait les photographies issues des banques d’images, immédiatement reconnaissables par leur manque d’authenticité, il y a maintenant les schémas sur le thème des réseaux sociaux - avec des courbes, des chiffres, et des camemberts, pour expliquer dans le détail ce que font les internautes sur Internet (pour le cas où ils l’ignoreraient) -, les photos pseudo-artistiques du quotidien, et surtout, surtout, les grandes phrases - en majuscules, toujours - sur l’importance de vivre pleinement sa vie.

C’est, je crois, ce que je préfère. Vous en trouverez des centaines de milliers sur Pinterest en particulier : en anglais, la plupart du temps. En voici un exemple, trouvé à l’instant.
 


L'invention des messages existentiels creux

Et quelques autres… Ça prend deux minutes environ, croyez-moi :
  • Don’t think too much. You’ll create a problem that wasn’t even there in the first place.
  • Don’t forget to be awesome.
  • Let your smile change the world, but don’t let the world change your smile.
  • The only difference between fear and excitement is your attitude about it.
  • Stay true to yourself because there are very few people who will always be true to you.
Je n’invente rien. 
Sur Internet, il y a maintenant des messages existentiels creux à foison. C’est un concept. Donner l’impression que l’on dit de grandes et belles choses en se contentant de mettre à la forme impérative des évidences niaises.
Et je suis convaincu qu’un nombre important des “créateurs” de ces petites phrases naïves pensent faire preuve d’une
certaine originalité en les écrivant. C’est un peu le même syndrome que celui du blogueur satisfait de lui-même.

La pâle copie, monnaie courante ?

Nous autres blogueurs pensons en effet écrire des choses qui méritent d’être lues. Nous relayons des campagnes que nous jugeons dignes d’intérêt, nous partageons des images que nous estimons originales. Pourtant, en y regardant à deux fois, nous sommes d’une certaine façon dans le même bain, et bien souvent, nous pataugeons un peu.

Il n’est pas toujours facile de trouver de l’inspiration aujourd’hui. Le nombre de blogueurs qui reprennent les dernières vidéos mises en ligne sur vimeo, par exemple ; c’est assez symptomatique. Les dénicheurs de pépites sont rares. (
OMG voilà que je deviens réac' à mon tour).

Se pose en tout cas la question de l’originalité aujourd’hui. Le site www.joelapompe.net nous prouve - s’il en était besoin - que les créatifs publicitaires manquent bien souvent de créativité, justement. On ne compte plus le nombre de campagnes plagiées, parfois de façon grotesque.

Nothing is original

Mais il faudrait surtout repenser la notion d’originalité ; à l’heure du retweet, du partage, de la diffusion, du like, nous ne créons plus de la même façon. La plupart de ce que nous produisons est le fruit d’une inspiration commune.


Cela nous donne aussi une grande responsabilité, une nouvelle fois. 

Car nous pouvons collectivement produire le meilleur comme le pire. Nous pouvons nous encourager mutuellement à créer, au sens noble du terme ; ou continuer de générer de piètres productions. Écrire en majuscules une nouvelle invocation, d’une effrayante banalité : “IL FAUT VIVRE SA VIE PLEINEMENT, SANS OUBLIER DE SE CONSACRER À L’ESSENTIEL, par exemple, ou chercher à transformer en profondeur le monde dans lequel nous vivons.

Les outils qui nous sont offerts aujourd’hui sont une chance. Mais le propre d’une chance, c’est de pouvoir être gâchée. Internet nous permet de récupérer des millions de morceaux divers et variés, de créations passées, d’images inspirantes, d’idées brillantes.

Leur origine importe peu. L’important est d’en faire quelque chose.
Ou, au moins, de ne pas en faire n'importe quoi.

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